Le Conseil constitutionnel a été saisi le 16 juillet 2010 par le Conseil d'État (décision n° 339899 du 16 juillet 2010), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la Société PLOMBINOISE DE CASINO, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des dispositions du paragraphe III de l'article 27 de la loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 ;
Vu la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 ;
Vu la loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour la Société PLOMBINOISE DE CASINO par Me Philippe Grousset, avocat au barreau des Hauts-de-Seine, enregistrées le 29 juillet 2010 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 10 août 2010 ;
Vu les nouvelles observations produites pour la société requérante par Me Grousset, enregistrées le 24 août 2010 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Stéphane Austry, avocat au barreau des Hauts-de-Seine, et Me Grousset pour la société requérante et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 4 octobre 2010 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes du paragraphe III de l'article 27 de la loi du 22 juillet 2009 susvisée : « Sont validés, sous réserve des décisions passées en force de chose jugée, les prélèvements spécifiques aux jeux des casinos exploités en application de la loi du 15 juin 1907 relative aux casinos, dus au titre d'une période antérieure au 1er novembre 2009, en tant qu'ils seraient contestés par un moyen tiré de ce que leur assiette ou leurs modalités de recouvrement ou de contrôle ont été fixées par voie réglementaire » ;
2. Considérant que, selon la société requérante, ces dispositions porteraient atteinte aux articles 8, 13 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ;
4. Considérant, en conséquence, que, si le législateur peut modifier rétroactivement une règle de droit ou valider un acte administratif ou de droit privé, c'est à la condition de poursuivre un but d'intérêt général suffisant et de respecter tant les décisions de justice ayant force de chose jugée que le principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions ; qu'en outre, l'acte modifié ou validé ne doit méconnaître aucune règle, ni aucun principe de valeur constitutionnelle, sauf à ce que le but d'intérêt général visé soit lui-même de valeur constitutionnelle ; qu'enfin, la portée de la modification ou de la validation doit être strictement définie ;
5. Considérant que les dispositions du paragraphe III de l'article 27 de la loi du 22 juillet 2009 susvisée ne valident les prélèvements sur le produit des jeux qu'en tant qu'ils sont contestés sur le fondement du moyen tiré de ce que leur assiette ou leurs modalités de recouvrement ou de contrôle ont été fixées par voie réglementaire ; qu'elles réservent expressément les décisions passées en force de chose jugée ; qu'aucune pénalité rétroactive ne peut se fonder sur elles ; qu'elles respectent ainsi le principe de non-rétroactivité des sanctions et des peines garanti par l'article 8 de la Déclaration de 1789 ; que le changement de qualification des prélèvements sur les jeux en impositions de toutes natures a été inscrit dans le projet de finances pour 2009 déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 26 septembre 2008 et adopté dans la loi du 27 décembre 2008 susvisée ; qu'en adoptant les dispositions contestées, le législateur a tiré les conséquences de la base légale donnée à des prélèvements à la suite de leur qualification en impositions de toutes natures ; qu'il a ainsi entendu prévenir un contentieux lié à la détermination de cette qualification et susceptible de créer une rupture d'égalité devant les charges publiques entre redevables des prélèvements sur les jeux ; qu'il a également entendu éviter que ne se développent, pour un motif tenant à la compétence du pouvoir réglementaire, des contestations dont l'aboutissement, eu égard aux montants financiers en jeu, aurait pu entraîner, pour l'État et les autres bénéficiaires des produits en cause, des conséquences gravement dommageables ; qu'enfin, à défaut de validation, le reversement aux casinos d'impositions dont ils sont redevables au regard des règles de fond de la loi fiscale pourrait constituer un enrichissement injustifié ; que, par suite, les griefs soulevés à l'encontre du paragraphe III de l'article 27 la loi du 22 juillet 2009 doivent être rejetés ;
6. Considérant que la disposition contestée n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
D É C I D E :
Article 1er.- Le paragraphe III de l'article 27 de la loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques est conforme à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 14 octobre 2010, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
Rendu public le 14 octobre 2010.